Comment analyser et classer une erreur de légende
Dans cet article nous allons voir comment différencier une monnaie officielle avec une erreur de légende d'une imitation d'époque. Nous allons aussi voir comment classer cette monnaie qui servira à l'analyse.
Prenons le RIC RIC VI 129, description:
A/ CONSTANTIVS NOB CAESA
R/ GENIO POP - VLI ROMANI _ PLG / B
Photos d'une monnaie vendue par Classical Numismactic Group, lien vers la vente: https://www.acsearch.info/search.html?id=194122, lien vers leur site: https://www.cngcoins.com/.
Frappé à l'atelier de Lyon (Lugdunum) '' _ '' indique la marque à l'exergue, sous la ligne de sol. '' / '' indique la marque dans le champ.
Que déduire de ceci? Tout d'abord, on classe la légende comme comportant une erreur car il y a un oubli de lettre. CAESA au lieu de CAESAR, et ceci n'a aucune logique. Dans ce cas, on parle d'erreur de légende. Comment expliquer cette particularité et surtout, cela classe-il cette monnaie dans la catégorie des imitations? Une imitation est souvent reconnaissable à son style qui est différent de celui des monnaies officielles. Son poids plus léger, peut indiquer aussi qu'il s'agit d'une imitation. Ces imitations ont souvent des erreurs dans la légende, quand elles en ont beaucoup, on parle de légendes dégénérées. Les imitations radiées du III ème siècle sont très riches en légendes et représentations dégénérées. Seulement, il arrive aussi qu'aucune erreur de légende ne soit présente. Dans cette configuration, on s'en remet encore au style et aussi au poids. Pour cette monnaie, on voit bien que le style est parfait, surtout pour un portrait aussi riche en détails et donc difficile à imiter. Maintenant, il s'agit de comprendre comment une telle erreur a pu arriver. L'erreur est humaine, mais il faut bien imaginer également, qu'un graveur n'était pas forcément un romain, mais pouvait être d'origine ''barbare'' c'est à dire non romaine. Cette personne, recrutée pour ses talents artistiques, n'avait pas forcément une facilité à lire et écrire le latin. Ce graveur ne faisait que recopier une légende dans ce cas, sans comprendre ce qu'il écrivait. Cette lettre C est donc probablement une mauvaise interprétation. Cela dit, il peut aussi s'agir d'une erreur du graveur, maîtrisant parfaitement la langue latine.
Nous avons vu comment différencier les différents cas de figure. La question qui se pose désormais est celle-ci: comment classer cette monnaie? C'est assez subjectif. Certains la classeront comme variante du RIC 129, d'autres comme un RIC 129 avec une erreur. Selon moi et je pense que beaucoup me rejoignent, ce n'est pas une variante, simplement une curiosité. On classe parfois comme variante, un peu tout et n'importe quoi. Une variante peut devenir un numéro (une ligne si vous préférez) à elle seule quelques années plus tard. Si on découvre une monnaie inconnue qui est similaire à un type connu sauf que l'empereur porte un casque. On décrira momentanément cette monnaie comme une variante du type connu. Ensuite, des spécialistes viendront analyser cette monnaie et la classer dans une période de frappe etc... (ceci est un exemple). Je spécifie qu'il s'agit d'un exemple, car le port du casque n'est pas une différence qui indique nécessairement une frappe particulière. En effet, il y a les cas de réutilisation d'un ancien coin (par erreur ou volontairement) ou simplement dans le cas du casque, une volonté du graveur de marquer encore plus l'aspect militaire de l'empereur. Par contre, un changement d'habits (manteau consulaire...) est à regarder de manière différente. Pour déterminer tout ceci, les spécialistes cherchent des liaisons de coins avec d'autres monnaies déjà datées, vérifient les concordances historiques (titres, événements). Dans un cadre général donc, une variante (qui reste une variante, même après vérification et comparaison avec la monnaie déjà listée) comporte des éléments changeants, peu importants. Comme: un changement dans les attributs pour une allégorie (deux cornes d'abondance au lieu d'une) le remplacement ou l'ajout d'un attribut. Pour le portrait, il y a les éléments que j'ai déjà listés plus haut, comme l'ajout d'un casque, le diadème qui contient des perles ou des rosettes... Des éléments peu importants ou importants, mais qui ne dissocient pas la monnaie de l'émission de frappe de son homologue nommé ''type principal''. Pour conclure, tout ces points sont des changements volontaires effectués par le graveur. Alors que l'oubli du R est une erreur. Ce n'est donc pas une variante.
Classical Numismatic Group nous donne d'ailleurs des détails sur cette monnaie, rejoignant les propos tenus ci-dessus: ''See note no. 5 to the RIC reference cited above where Sutherland and Carson ask an interesting question: "The CONSTANTIVS NOB CAS of Voetter (officina A) is surely an error?" The evidence of the current specimen suggests possibly not. It seems that there was at least one illiterate (or perhaps just careless) die engraver working at the mint during production of this issue, and Voetter's recording of the unusual legend may not simply be a typographical error as questioned by the authors of RIC.''
Traduction: ''Voir note no. 5 à la référence RIC citée ci-dessus où Sutherland et Carson posent une question intéressante: "Le CONSTANTIVS NOB CAS de Voetter (officina A) est sûrement une erreur?" La preuve du spécimen actuel suggère peut-être que non. Il semble qu’au moins un graveur analphabète (ou peut-être tout simplement imprudent) travaillait à cet atelier pendant la production de cette émission, et l’enregistrement par Voetter de la légende inhabituelle n’est peut-être pas simplement une erreur typographique, comme l’ont interrogé les auteurs de RIC.''